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Julia Jeanloz

Publié le 6 septembre 2018

À la découverte du patrimoine bâti: le Cercle de l’Ermitage d’Alberto Sartoris

À l’occasion de la 25e édition des Journées européennes du patrimoine, de nombreuses institutions culturelles suisses ouvrent leurs portes au public en septembre. Bâtis historiques ou contemporains, fouilles archéologiques permettent d'amorcer le dialogue sur l’importance du patrimoine culturel et de sa conservation. C'est dans ce cadre que TocToc vous propose de découvrir le Cercle de l’Ermitage, à Epesses.

Le week-end du 1er-2 septembre 2018, la Romandie était à l’honneur, et le Canton de Vaud proposait la visite de quelque 20 sites, reflets du patrimoine bâti. Une invitation au voyage au fil des siècles, à l’exploration des étrangetés et typicités des traits architecturaux des édifices, entre esthétique du paysage et écho des traditions, passé et avenir.

 

De Sartoris à Dunant : un travail de restauration à Epesses

 

À Epesses, face à cet ancien moulin à os datant du milieu du 19e siècle, on peine à croire qu’il puisse renfermer un tel bijou d’architecture intérieure. Initialement conçu entre 1933 et 1935 par l’architecte turinois Alberto Sartoris (1901-1998), le Cercle de l’Ermitage a récemment été restauré par la main de maître du cabinet JC Dunant architecte. Le bâtiment, connu sous le nom de « Le Vieux-Moulin », avait été converti en café-restaurant, puis en dancing, les propriétaires successifs ayant fait table rase des aménagements de Sartoris. La conception initiale avait ainsi été dissimulée, dans les années 1970, derrière un décor « pseudo rustique » à base de stuc, de fer forgé, de fausses poutres et voûtes de plâtre en crépi. Or, de 2011 à 2015, Jean-Christophe Dunant a restauré et réaménagé le lieu créé par Sartoris. Et le résultat est là, puisque cela a valu au bâtiment d’être classé à la première place sur le podium des monuments historiques du canton en 2015.

 

Le Cercle de l’Ermitage – Aperçu de la façade extérieure © Julia Jeanloz

C’est grâce aux Archives de la construction moderne, au Laboratoire des techniques et de la sauvegarde de l’architecture moderne de l’EPFL, comme aux recherches stratigraphiques et aux archives du fonds Sartoris que Dunant et son équipe ont pu récolter les informations manquantes sur l’aménagement originel (couleurs, matériaux, etc.). Notons que le cabinet a aussi été chargé d’aménager des éléments spécifiques aux annexes, construites postérieurement au Cercle de l’Ermitage, en accord avec le propriétaire. Ces parties-là sont principalement pensées pour répondre aux besoins d’un logement privé. Ainsi, elles comportent notamment la cuisine et les sanitaires, afin de garder intacte la spatialité des parties publiques du bâtiment.

 

Petit tour du propriétaire

 

À peine entrés dans ce qui, à l’époque, était destiné à devenir un club privé pour intellectuels et artistes, on est séduits par le jeu des couleurs, des espaces et des formes. Dunant dit d’ailleurs de la rénovation de l’ancien moulin dans le respect de l’aménagement de Sartoris qu’il s’agit moins d’une œuvre architecturale que d’une œuvre plastique : en effet, un soin tout particulier est accordé à la polychromie, aux formes et aux volumes. Passé l’entrée, le visiteur arrive de plain-pied dans l’espace du bar, d’environ quatre mètres de hauteur. Le bleu du sol et le jaune vif de la paroi et du bar se reflètent dans l’acier chromé du bar.

cercle ermitage oculus bar
Le Cercle de l’Ermitage – Image 1) Oculus lumineux (ancienne salle de bal transformée en salon); image 2) Bar © Julia Jeanloz

Quelques marches au fond de cette première pièce mènent, un demi-niveau plus haut, à une piste de danse dotée d’un oculus lumineux au sol (actuel salon). Un demi-étage au-dessus se trouve une galerie, qui permet aussi d’apercevoir l’étage supérieur à travers une verrière. Enfin, la grande salle du haut (actuels bureau et chambre à coucher) servait de salle de restaurant, entre autres. De nombreuses fenêtres permettent d’apprécier la splendeur du panorama lacustre, tout en complimentant la pièce à l’aide de l’éclairage naturel. La délimitation des espaces s’opère au moyen de gardes-corps, de parois opaques, ajourées ou vitrées. En effet, la plupart des pièces sont pensées pour offrir une ouverture, afin qu’éclairages naturel et artificiel se marient de manière optimale.

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Le Cercle de l’Ermitage – Grande salle accueillant le restaurant (actuel bureau), donnant sur le lac © Julia Jeanloz

Alberto Sartoris : portrait d’un précurseur du modernisme

 

Architecte, historien et promoteur artistique, le Turinois (1901-1998) fait ses études d’architecture à Genève. Visionnaire, il fait très tôt partie du futurisme italien, qui prône des valeurs telles que le progrès, la machine, la vitesse, puis dévelopera ce qu’il appellera le rationalisme en architecture. Plus célèbre toutefois par ses axonométries en sérigraphies que pour ses œuvres architecturales parfois considérées comme trop modernistes, le talentueux Turinois compte plusieurs réalisations à son actif dans la région lémanique : le Motel des Blonnaisses à Cully (actuel Hôtel Lavaux), l’Atelier de Grandi à Corseaux, converti en musée depuis 2016, la maison du Peuple à Vevey (actuel cinéma Rex).

Visuel de l’exposition « Alberto Sartoris ou la quatrième dimension de l’architecture » à la Villa « Le Lac » Le Corbusier, basé sur une axonométrie en sérigraphie © Villa « Le Lac » Le Corbusier

Des écrits de Sartoris, on saura retenir deux aphorismes: « La couleur est la quatrième dimension de l’architecture. » et « La nature a quatre saisons. L’architecture n’en a que deux: l’ombre et la lumière ».