Publié le 12 mars 2019
Jeux de briques: le travail de Falconnier exposé au Château de Nyon
Aujourd'hui et jusqu’au 15 septembre 2019, le Château de Nyon accueille une exposition qui a pour sujet l’invention de la brique en verre soufflé de l'architecte et inventeur Gustave Falconnier. Récit.
Pour la première fois, le travail du Nyonnais Gustave Falconnier, architecte, ancien préfet de Nyon et inventeur de la première brique en verre soufflé, est présenté dans le cadre d’une exposition fascinante, entièrement dédiée à ce matériau aux qualités d’exception. Dans le cadre de mon stage chez Cogestim, je suis allée la visiter et ai eu la chance d’interviewer son conservateur.
Gustave Falconnier, l’inventeur de la première brique de verre soufflé
Gustave Falconnier, né le 6 juillet 1845 à Nyon, fait ses études à Lausanne avant de s’établir à Munich, soit pour y étudier, soit pour y pratiquer l’architecture. À cette époque, Munich, alors capitale de la Bavière, connaît un développement urbanistique important. À cause de la guerre franco-allemande de 1870, Falconnier va devoir quitter l’Allemagne. Il se rendra donc à Paris pour y fréquenter les Beaux-Arts. Grâce à cette double formation, il s’insérera dans un réseau d’architectes international. Par la suite, il reviendra dans son pays natal, la Suisse, plus spécifiquement à Nyon, où il ouvrira un bureau d’architecte.
Toute sa vie durant, Falconnier mettra son énergie à inventer. Ainsi, entre 1873 et 1912, il dépose plus de quarante brevets d’invention dans différents pays. En 1886, il dépose le brevet de la brique de verre soufflé.
20 ans d’acquisition
J’ai eu la chance de pouvoir visiter l’exposition sur la brique de verre Falconnier présentée au musée du Château de Nyon. Sur place, j’ai rencontré Vincent Lieber, conservateur du musée, qui m’a expliqué tout le travail fourni derrière cette exposition. Celle-ci représente pas moins de 20 ans de travail d’acquisition de briques de la région!
Grâce à la donation des héritières Falconnier en 2009, le musée a la chance d’abriter dans ses collections un nombre important de briques, de formes et teintes différentes, mais également les exceptionnels moules en fonte qui ont servi à leur fabrication dès 1886.
Il aura fallu deux ans de recherche et un mois de montage pour créer les murs en briques. Vincent Lieber et l’équipe du musée ont dû trouver des ouvriers aptes à construire des murs avec ce type de matériel. À ce jour, cela ne se réalise plus de cette manière !
Propriétés et héritage de la brique Falconnier
La brique Falconnier a beaucoup d’avantages. En effet, elle est particulièrement connue pour ses qualités hygiéniques, en raison de sa texture en verre, facile à nettoyer. Mais pas seulement! Elle est aussi connue pour son esthétique. Son point fort est de laisser passer la lumière sans que l’on puisse voir à travers. Cette faculté lui donne de jolis reflets iridescents visibles à la fois depuis l’intérieur et l’extérieur. On la retrouve alors fréquemment dans les façades des serres, des vérandas, ou encore des villas de villégiature de l’époque.
Il existe au total 9 modèles de briques répertoriés, dont 5 briques différentes estampillées Falconnieret numérotées 3,5,7,8 et 9. Leurs formes sont diverses : on peut les obtenir carrées (3 et 5), hexagonales (7), en coquilles (8), en losange (9). Deux briques n’ont été retrouvées qu’à un seul exemplaire: une en forme de coquillage et une autre dotée de petites pastilles, un don de la famille Falconnier. Celles-ci n’ayant pas été commercialisées, elles ne possédaient ni numéro, ni estampe.
Héritage et postérité dans l’architecture
À l’époque, les murs de verre se propagent un peu partout en Suisse, sur l’Arc lémanique, mais aussi à la Chaux-de-fonds ou au Locle, en France, aux Etats-Unis et même en Russie. En France, la brique est généralement associée à des motifs de style Art nouveau et, par ses différentes couleurs, rappelle fortement l’univers floral.
Parmi les plus fameux exemples d’édifices architecturaux arborant cette brique, on peut citer notamment les dômes de la Samaritaine (Paris) et la Villa Turque de Le Corbusier (Chaux-de-Fonds).
Malgré son succès, la brique Falconnier ne se pérennisera pas dans le temps. En effet, sa technique de fabrication artisanale est complexe, ce qui la rend onéreuse à l’achat. Elle laisse donc place à une technique de production industrielle et des matériaux plus rentables au début des années 1900.
150 ans après Falconnier, la maison de verre reste toujours un fantasme, nous apprend Vincent Lieber, même avec la « maîtrise » des méthodes et techniques de construction contemporaines. En témoigne la boutique Chanel à Amsterdam, dont la façade extérieure est faite de verre. Sur cette façade, les éléments en verre se marient parfaitement à la couleur terracotta de la brique, créant l’illusion d’un fondu des deux matériaux à travers un effet de dégradé joliment réussi. Construite en 2016, un peu plus d’une année plus tard, cette façade comporte déjà des craquelures, dues, semblerait-il, aux effets de dilatation et de rétractation du verre lors des changements de température.
Si vous ne vous êtes pas encore laissé convaincre à la vue des photos, propriétés du musée, nous vous conseillons vivement d’aller faire un tour dans cette exposition pour son ingénieuse scénographie et la qualité des objets, photographies, court-métrages exposés au fil des pièces !