Immobilier herve

Hervé Ruffieux

Publié le 18 janvier 2019

Initiative contre le mitage du territoire: quand bons sentiments doivent être mêlés au bon sens.

Le peuple votera, le 10 février prochain, sur l'initiative dite "contre le mitage du territoire". Cette dernière veut compléter la loi sur l'aménagement du territoire, jugée lacunaire par les initiateurs, en apportant des mesures encore plus restrictives. Hervé Ruffieux, Responsable du courtage chez Cogestim, en ressort, pour TocToc, les principaux points et relève le côté extrême de cette initiative.

L’initiative lancée par les Jeunes Verts intitulée « Stopper le mitage – pour un développement durable du milieu bâti » est basée sur de bons sentiments. Cela n’est toutefois pas suffisant. Explications.

 

Les devants déjà pris avec la LAT

 

Tout d’abord, il est requis de rappeler que deux types de zones sont distinguées dans cette initiative, soit les zones à bâtir et les zones non constructibles (par exemple: zone agricole). En Suisse, les zones à bâtir, regroupant la quasi totalité des habitants, représentent environ 5% de la surface totale du pays.

L’initiative demande une densification de l’habitat au sein des villes et agglomérations. C’est un principe qui s’applique déjà. La préservation du sol est, d’ores et déjà, gérée efficacement et avec sérieux par la Loi sur l’Aménagement du Territoire (LAT), dont le Canton de Vaud a déjà franchi l’étape de la remise au Conseil Fédéral de son plan directeur. En effet, communes, cantons et Confédération oeuvrent, présentement, dans la perspective de mieux utiliser les surfaces d’habitat et de limiter les nouvelles zones constructibles.

Bien évidemment, l’idée n’est nullement de remettre en question la nécessité d’une bonne gestion du sol, mais bien d’agir avec bon sens en prenant en considération, avec pragmatisme, les différents enjeux économiques, sociaux et démographiques.

Les devants pour mieux utiliser les surfaces d’habitat existantes et limiter les nouvelles zones constructibles ont déjà été pris.

Un gel des zones à bâtir sans limite temporelle

 

L’initiative vise à interdire toute extension des zones à bâtir, sans limite de temps et sans prise en considération des spécificités locales. Toute nouvelle parcelle à bâtir devrait également être compensée, comme la LAT le prévoit déjà, par le déclassement d’une parcelle agricole de surface au moins équivalente. Cela devient donc une « solution » catégorique omettant de nombreuses réalités, telles que les besoins selon le type de régions, l’évolution démographique et la croissance économique. Fausse bonne idée!

Pour exemple, le cas de la société agroalimentaire Hilcona à Orbe. Cette dernière a dû, en 2017, en vertu de la LAT, abandonner son projet d’expansion visant l’agrandissement de son site et la création, à terme, d’environ 500 emplois de par la nécessité de déclasser plusieurs hectares de zone agricole en zone industrielle. Chaque mètre carré devant être compensé, après une bataille juridique, la société a dû renoncer à ses perspectives de développement, alors perçues comme majeures pour la région.

De plus, il faut rappeler que de nombreux projets privés comme publics sont bloqués encore aujourd’hui dans le cadre de la LAT. Il paraît donc totalement irréaliste et exagéré de croire que tout peut être compensé. En effet, si l’initiative « contre le mitage » venait à passer, le phénomène serait le même, mais de manière durable cette fois-ci.

 

L’impact: une augmentation des prix de l’immobilier

 

Le besoin en logements reste et perdure. Dans l’hypothèse d’un oui, il faut être conscient que les terrains à bâtir se raréfieraient et, ainsi, prendront de la valeur, ce qui aura un impact à la hausse sur le prix des loyers et de vente. Cela se répercutera également sur la faisabilité de nombreux projets, en dépit du besoin.

La mise en oeuvre de l’initiative entraînerait une raréfaction de la surface du sol dans les centres urbains, où le prix des terrains subirait une hausse encore plus forte qu’ailleurs.

En résumé, le cadre (densification et zones à bâtir délimitées) est déjà défini efficacement par la LAT. Son contenu et les contraintes qu’elle fixe dans une perspective raisonnable et maîtrisée de la gestion du sol rendent l’initiative « contre le mitage » inutile.