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Julia Jeanloz

Publié le 4 décembre 2018

Les surcoûts : origine et mesures de contrôle d’un phénomène fréquent dans la construction

Dans le monde de l’immobilier, tout promoteur est confronté à la question des surcoûts. En cas de sous-évaluation du chiffrage initial du projet de construction, il est important de se préoccuper suffisamment tôt des conséquences de cette mésestimation. Le but ? Mettre en oeuvre un plan financier réaliste et rectifier le tir à temps. Nous vous livrons ici un constat, mais également quelques conseils pour assurer le contrôle des coûts et aborder sereinement votre futur projet de construction.

On le sait, le dépassement des coûts de construction interpelle régulièrement le large public. D’ailleurs, les médias en sont friands. En témoigne la médiatisation des coûts excédentaires du tunnel sous la Manche (1994), encore bien présents dans les mémoires. Le projet d’ouvrage, se chiffrant à quelque 9,1 milliards d’euros initialement (comprenant une réserve d’1,5 milliards), a entraîné des surcoûts de l’ordre de 6 milliards d’euros pour atteindre 15 milliards !
 

L’importance du plan financier

 
Le plan financier est la pierre angulaire de toute promotion immobilière. Il permet d’identifier les sorties et entrées de flux financiers, les besoins et les ressources qui composent un futur bâti. En l’élaborant, le promoteur s’assurera de la rentabilité de l’opération avant de le présenter à de potentiels investisseurs afin de leur assurer un retour sur investissement suffisamment intéressant. Par la suite, il se posera la question de la forme que prendra le suivi de la réalisation du projet : mandat d’architecte ou entreprise générale (EG). D’où l’importance de bien connaître les différences entre chaque option pour mieux orienter son choix vers la solution la plus adéquate. D’ailleurs, comme nous le verrons ci-dessous, la gestion de la réalisation du projet est l’une des principales variables susceptibles d’influencer le plan financier.
 

Mandat d’architecte ou entreprise générale ?

 
Par définition, un contrat par mandat d’architecte prévoit un suivi de chantier et une validation des artisans par l’architecte. Dans le cas d’un recours à une entreprise générale (EG), le promoteur nomme une entreprise responsable de la construction d’un bien de A à Z pour un prix déterminé au départ. Le mandataire choisit donc les aménagements intérieurs. Le but escompté est de simplifier le projet au maximum en standardisant l’objet à bâtir, afin d’avoir un contrôle sur les coûts du projet et de gagner du temps.

Dans les deux cas, c’est au promoteur que revient la tâche de s’assurer de la faisabilité financière et de l’intérêt de l’opération avant de prononcer le lancement du projet.
 

Les coûts et frais de construction

 
Quiconque entreprend un projet de construction en Suisse est confronté à la planification financière de celui-ci, donc aux CFC. De la conception à la réalisation, le « Code des frais de construction » (CFC) permet de planifier et d’assurer le suivi financier de toutes les étapes d’un projet. Sa normalisation permet la mise en concurrence des soumissions par métier et le rend intelligible aux différentes parties prenantes du projet : architecte ou EG, artisans, investisseurs, notaire et banque. De manière résumée, on distingue les CFC suivants :

    • CFC-00 : terrain (valeur intrinsèque et prix de revient)
    • CFC-01 : travaux préparatoires : travaux spéciaux et frais d’équipements pour accéder à la parcelle
    • CFC-02 : bâtiment
    • CFC-03 : exploitation (réservé au secteur industriel)
    • CFC-04 : aménagements extérieurs
    • CFC-05 : frais secondaires et comptes d’attente
    • CFC-06 – 08: réserves
    • CFC-09 : honoraires

Ces CFC sont estimés sous forme de devis général des travaux. Cette estimation est, en principe, réalisée par les mandataires, architectes et ingénieurs, qui apportent leur expertise dans la conception du projet, du suivi des travaux et de la coordination des différents prestataires et corps de métiers. À noter qu’il est important de bien maîtriser chacun des postes des CFC, donc de côtoyer des artisans fiables et compétents, qui puissent garder un œil sur les risques potentiels. Dans le cas contraire, on s’expose à la mise en péril de la marge, voire de l’opération dans son ensemble. Aussi, il est indispensable de se pencher dès le départ sur cette planification financière afin d’éviter une sous-estimation du budget, le cas échéant, de pouvoir l’expliquer et prendre les mesures adéquates pour corriger le tir. Il est à souligner que l’évolution des coûts entre le plan financier initial et la fin des travaux n’est pas linéaire ; les coûts pouvant évoluer à la hausse comme à la baisse.
Un budget clairement défini vous protège des mauvaises surprises lors de la construction d’un bien immobilier. Dans le cas d’une offre forfaitaire, il est courant qu’il y ait un écart entre le premier devis et le coût effectif du projet. Souvent, les surcoûts résultent d’une mauvaise appréhension globale d’un projet, d’où l’importance de prévoir une réserve financière pour pallier les imprévus et d’effectuer une véritable gestion des risques.

Promotion immobilière Nyon, Cogestim
Projet « Le Vallon 26 »  dans un quartier résidentiel du centre ville de Nyon, projet de construction d’une résidence PPE composée de 3 spacieux logements avec jardin et terrasse.

Origines et implications des surcoûts

 
La notion de dépassement des coûts de construction implique qu’un architecte ou que l’EG ait fourni un chiffrage initial du projet, ou plan financier, et que les coûts effectifs aient dépassé celui-ci. Or, on l’a vu plus haut, une planification financière rigoureuse et réaliste, à travers les CFC, est la base de tout projet de construction. Reste alors la question de l’organisation d’un projet de construction.

L’organisation d’un projet de construction triangule entre plusieurs objectifs interdépendants : la gestion des prestataires, sur les plans quantitatif et qualitatif, celle des coûts et celle des délais. Dans ce schéma, le respect des coûts apparaît comme un objectif à atteindre. Or, cet objectif peut parfois entrer en collision avec d’autres, ce qui se répercute sur l’organisation et la gestion globale des risques du projet.

Dans certains cas, les travaux spéciaux peuvent engendrer des surcoûts et amener des surprises. Mais un projet peut être lancé malgré la nécessité d’effectuer des travaux spéciaux, générateurs de surcoûts. C’est le cas pour l’un de nos projets immobiliers à Gland, où nous avons construit des terrains dans des zones gravillonneuses. Là, le terrassier nous a racheté une partie du gravier du terrain.

Les surcoûts constituent des travaux spécifiques à la nature même du terrain. Font notamment partie de ces travaux les CFC-03 – CFC-08. En pratique, il peut s’agir de désamiantage, de la création d’une paroi berlinoise ou d’une voie pour accéder au bien immobilier depuis la route, par exemple.

Aujourd’hui, les marges des plans financiers ont une tendance stagnante ou diminuante, tandis que les coûts de construction ont augmenté. L’un dans l’autre, ces phénomènes attirent l’attention sur l’importance de rester au plus proche du coût prévisionnel originel du projet.
 

L’avis de l’expert sur la question

 

Pierre Aguet, Administrateur et Membre de la Direction Générale de Cogestim, nous livre son regard d’expert sur les questions que peut générer la problématique des surcoûts dans l’immobilier.
 

Pourquoi l’enjeu des surcoûts est-il plus actuel aujourd’hui qu’auparavant ?

Il y a aujourd’hui plus de surcoûts qu’à l’époque. Ceux-ci sont dus à plusieurs facteurs. Tout d’abord, les ingénieurs prennent de moins en moins de risques. Les coûts de construction sont de plus en plus hauts. Aujourd’hui, on constate un paradoxe : un projet de construction est beaucoup plus compliqué à mener à bien, alors qu’on connaît beaucoup plus la géologie. On a effectivement une meilleure maîtrise de notre environnement, mais on se heurte à beaucoup plus de réticences et d’oppositions formelles des personnes amenées à côtoyer le futur bâti, notamment lors de la phase de mise à l’enquête du projet.
 

Quelles mesures correctives appliquez-vous en cas de dépassement des coûts de construction ?

Si les prix du marché le permettent, on augmente les prix de vente, tout en veillant à ce que la marge dédiée aux investisseurs reste intéressante, sans quoi, ces derniers ne prennent plus part à des réalisations, donc rendent le projet non-réalisable. Une autre option peut être d’économiser sur la construction sur le plan des aménagements intérieurs, équipements et matériaux de construction. Ici, il peut s’avérer judicieux de privilégier des matériaux de construction bruts à bas coût, mais nobles quand même.
 

Quelles recommandations pratiques donneriez-vous pour rester au plus près du chiffrage initial du projet ?

La majorité des surcoûts sont liés au terrain. En cas de doutes par rapport à la qualité de ce dernier, on préconise de faire un carotage géotechnique. Celui-ci permet d’extraire un échantillon du terrain et donnera lieu à un rapport géotechnique. Sur la base de ce rapport, les promoteurs prononceront le lancement ou l’abandon du projet.